Antarctique
Pleneau island
Vernadsky scientific ukranian station
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Mercredi 21 février 2001
Cette troisième journée a commencé par une
surprise de taille. Notre sortie en zodiac nous a amené sur
la Pléneau Island. Là, nous attendait un "king
pinguin". Des manchots, j'en ai vu et revu durant ce voyage.
J'en suis presque arrivé à un point de saturation.
Celui-ci, c'était différent, il n'était pas
comme les autres.

Le jour commençait à se pointer, et j'ai pu photographier
la star du jour, d'abord dans l'ombre puis dans le soleil. Car finalement,
mieux vaut une photo dans l'ombre que pas de photo du tout. Le pauvre
animal avait l'air perdu et isolé. D'après les responsables
de l'expédition, une telle surprise était de taille,
car on ne trouve pas de tels manchots à de tels endroits,
surtout à cette période de l'année. Seul, il
exhibait fièrement ses couleurs face aux autres manchots.
Ils ne pouvaient pas rivaliser avec la pureté de son plumage
orné d'un jaune très noble. Les manchots Gentoo, ne
semblaient guère apprécier la venu de ce nouvel intrus
sur leur territoire. Ils le lui ont fait savoir, en lui adressant
quelques coups de becs intempestifs, mais aussi quelques remontrances
gutturales.
Les rencontres sont toujours au rendez-vous et ce fut sympa que
de croiser ce bébé manchot. Tentant désespérément
de s'en prendre à un sac à dos, il dut finalement
renoncer aux senteurs appétissantes qui se dégageaient
de ce sac peu ergonomique pour ses pattes.

Au cours de ma visite sur ce coin de terre, j'ai pu me délecter
avec les formes des icebergs. Ils dessinaient des cathédrales
de glace sur des fonds mauves et bleu outremer.

Les couleurs étaient fantastiques, au-delà de tous
superlatifs. Ces "glaçons", qui doivent atteindre
plusieurs dizaines de mètres de haut et de large pour certains,
flottent sur des eaux tantôt noires, tantôt turquoises.
Le ciel était bleu profond, mauve, presque violet par endroits.
Chris, le photographe courrait dans tous les sens. Il avait le
trépied à la main et son monstrueux objectif dans
l'autre. Toujours prêt à dégainer, il décomposait
ce spectacle en images. Il s'essayait à des prises de vues
artistiques, aux lignes et aux courbes fusionnant ces éléments.
Il me montra ses points-de-vue. Malgré que je n'ai jamais
aimé voler le regard des autres à travers leur objectifs,
je me suis permis de lui voler cette photo, en souvenir. Le reste
du temps, chacun photographiait dans son coin, avec son matériel.

L'oeil de Chris est tellement sûr, il cadre avec tellement
d'aisance, peint pratiquement des tableaux à travers son
objectifs. C'était superbe que de pouvoir cadrer à
travers son oeil sur cette photo !
Au détour d'un rocher, une femelle manchot nous a montré
ses deux rejetons, dormant dans un duvet douillet. Il sont certainement
nés quelques semaines auparavant.

Des albatros criaient et fonçaient sur quelques individus
trop curieux. Ils se sont approchés de leurs nids sans le
savoir. La scène avait quelque chose d'hitchcokien...
La visite s'est terminée par un nouveau tour à travers
les icebergs. Ce tour restera certainement celui qui m'a le plus
marqué. Le temps était radieux, donnant des perspectives
et des couleurs fortes et pleines d'émotions. Pablo maniait
le zodiac de main de maître. Il slalomait entre ces blocs
de glace. On se serait cru dans un championnat de Hors-bord ! Nous
avons dû pourtant freiner ses ardeurs. L'endroit était
trop magique pour laisser échapper des photos, que dis-je
des tableaux. Au détour d'un iceberg, une cathédrale
de glace, ornée de ses orgues, régnait majestueusement
sur l'endroit. Je suis resté comme hypnotisé par cette
merveille de la nature.

Des phoques se prélassaient à côté de
flaques d'eau aux couleurs polynésiennes.

Ils râlaient parfois, lorsque notre zodiac touchait leurs
propriétés. Ils étaient couchés, la
vapeur sortant de leur gueule, le soleil tapant sur leurs fourrures
argentées. Nous étions tous là, en manque de
superlatifs.

Nous avions déjà épuisé tout le registre
depuis 3 jours et voilà que quelque chose d'encore plus intense
était là, devant nos yeux incrédules.

Le retour vers le bateau a aussi été une superbe
expérience, car j'ai pris conscience que je suis vraiment
en Antarctique. Au bas de l'échelle accolée au bateau,
nous attendait un gars, un membre de l'équipage. A chaque
arrivée de zodiac, c'est le même scénario. Nous
devons suivre scrupuleusement les consignes données par l'expédition,
afin d'éviter que l'un de nous ne tombe à l'eau. Le
gars nous prend de sa main gaillarde et nous soulève presque
du zodiac pour nous aider à monter sur l'échelle du
Mariya Yermolova.

Durant le repas de midi, le bateau s'est mis en marche vers les
îles argentines. La base scientifique ukrainienne Vernadsky
va être notre prochaine étape.
Arrivés à bon port, la montée sur les zodiacs
s'est faite avec empressement, mais avec un petit pincement au coeur.
C'est notre dernier atterrissage. Afin que tous les passagers du
bateau puisse profiter le plus longtemps possible de ces sorties,
nous avons été divisés en deux groupes, et
cela, depuis le début du voyage. En alternance, un groupe
passe le premier pour monter sur les zodiacs. Les gens sont toujours
un peu stressés à ce moment-là. Dès
que l'annonce est faite par le haut-parleur qu'un atterrissage va
avoir lieu, tout le monde se rue vers la sortie. C'est d'ailleurs
toujours une lutte pour trouver un gilet de sauvetage. Malgré
que je pose toujours mes bottes et mon gilet de sauvetage au même
endroit, quelqu'un se permet toujours de prendre le gilet que j'y
ai déposé auparavant. J'ai dû marquer mes bottes,
car pour un peu je devais descendre pieds nus dans la glace. Comme
quoi, la nature humaine reste toujours la même, où
que l'on se trouve !
Après un tour sur une vieille station désaffectée,
nous nous somme rendus à la base de Vernadsky . Elle a des
allures de chantier. Elle laisse apparaître, ici et là,
les restes de ses anciens propriétaires argentins. On ne
sait qui des argentins ou des ukrainiens a posé des panneaux
incongrus dans ce coin de terre. On y trouve marqué "bus
stop" sur une des cabanes.

Un panneau de signalisation mentionne l'atterrissage d'avions...la
vodka a peut-être eu des effets sur certains...
La visite de cette station scientifique, chargée de mesurer
la couche d'ozone, a été pour le moins sommaire. Malgré
que les locaux soient de simples baraquements, rien ne manque.

On a pu voir quelques tableaux de mesures informatiques et des
ordinateurs démontés.

La vie dans la station ne semble pas spécialement pénible,
du moins au moment de notre passage. Une salle de fitness agrémente
l'endroit, tout comme un bar construit au 1er étage. Son
prolongement se transforme en boutique de souvenirs.

Un véritable bric-à-brac de livres, t-shirts, poupées
russes, monnaies, à l'effigie ukrainienne, est concentré
sur quelques mètres carrés. Un ukrainien à
l'anglais difficile s'affaire consciencieusement à encaisser
les dollars salvateurs des touristes. Quelques autres, servent de
la vodka derrière le bar.

On dit que la vodka est faite maison. Malgré mon rhume carabiné,
j'ai trempé mes lèvres dans un verre que l'un des
visiteurs m'a présenté. Elle est très forte
! La musique marque le tempo, pendant que Delphine, la parisienne,
se fait draguer, tour à tour, par tous les mâles en
chaleur du bateau. La vodka a du mettre leurs inhibitions au vestiaire.
Quelle vie que d'être une fille et de voyager seule ! L'endroit
est fort agréable et on se croirait dans un pub moscovite
à l'intention de touristes. Les ukrainiens cherchent le dollar
et chaque occasion est bonne pour mettre à contribution le
passant. La base ne doit pas rouler sur l'or et elle se finance
certainement par ce biais, à voir le nombre d'opportunités
qui nous a été offertes de sortir nos billets verts.
Comme visiteur, nous avons eu la possibilité d'envoyer des
cartes postales qui vont pratiquement faire le tour du monde. Remises
aux ukrainiens de la base, elles sont ensuite acheminées
vers l'Ukraine d'où elle seront renvoyées vers le
destinataire final. Au passage, on nous vend un timbre postal ukrainien,
bien évidemment. Les gens se sont pressés, stressés,
pour écrire leurs cartes postales. Un couple s'est même
partagé le travail. Lui écrivait les adresses, pendant
qu'elle écrivait le texte standard. Ils en ont au moins écrit
50 durant les quelques minutes que nous avions à disposition
!
Le moment de remonter sur le bateau est venu, et c'est avec un
sentiment d'adieu que je suis monté sur le zodiac. Je sais
que je ne reviendrai peut-être plus sur cette terre australe
et tellement magique. On ne doit pourtant jamais dire jamais, dit-on,
mais c'était trop beau et revenir, ne va-t-il pas entacher
ce rêve, ce mystère ?
Afin de ne pas sombrer dans la mélancolie, l'équipe
d'organisation du voyage a prévu de finir en beauté,
en naviguant dans le canal de Lemaire.

C'est avec un soleil loin du zénith que nous avons pu admirer
ce canal aux parois impressionnantes, aux glaciers fantastiques.
Le bateau a navigué entre les icebergs, sans trop se soucier.
Parfois on a entendu quelques bruits de chocs provoqués par
des iceberg tapant contre la coque usée du Mariya Yermalova.

Quelques manchots nous ont accompagné, plongeant en essayant
d'imiter la grâce des dauphins. On a pu les voir s'amuser
comme des fous.
Alors que je vis depuis plusieurs jours déjà sur
ce bateau, je n'ai pas encore aperçu le capitaine. On dit
qu'il est jeune, sympa et porte une barbe, comme tout capitaine.
C'est dans ce but que je me suis rendu au poste de pilotage. Il
n'y était pas. Le poste est ouvert à tous et tout
le monde peut y venir. Doté d'une technologie qui me parait
plus ou moins actuelle, le poste de pilotage est comme une sorte
de salon où les regards se croisent en silence. Des ordres
secs et précis dérangent cette atmosphère faite
de concentration plus ou moins grande suivant le moment. Alors que
j'étais dans le poste, nous avons croisé un brise-glace
chilien. Les marins de l'autre bateau sont même venus nous
rendre une visite de courtoisie. Ils se croisent souvent, vu que
le Mariya Yermalova passe 6 mois à faire plus ou moins le
même tour chaque semaine.

Alors que le bateau naviguait tranquillement, soudainement, une
baleine a décidé de faire des siennes ! Dire que j'ai
raté ça ! Elle a parait-il sauté comme un dauphin
hors de l'eau ! Tous les photographes professionnels se trouvant
à bord, étaient à l'avant du bateau quand ça
s'est produit, sauf un. Chris se trouvait à l'arrière
du bateau. Il a tout vu. Selon ses dires, il a réussi à
capturer l'animal sur sa pellicule ! J'attend de voir ça
!
Le soir venu, on nous a averti que le passage de Drake allait à
nouveau faire des siennes. Nous devions nous préparer en
anticipant avec quelques médicaments appropriés. Tout
le monde semble avoir oublié les tumultes de l'aller. Des
vents violents sont pourtant à l'ordre du jour. Nous n'allons,
par conséquent, pas pouvoir passer devant le Cap Horn. Dommage
! Le bateau a très vite commencé à faire du
roulis...
En réunion d'information dans la salle où les présentations
ont habituellement lieu, Laurie Dexter nous a annoncé les
pires conditions météorologiques. A ce moment, les
premières chaises se sont mises à bouger. Certains
sont même tombés de leur chaise !

J'ai à nouveau eu le même sentiment qu'au début.
Ma tête a recommencé à tourner. J'ai décidé
de ne pas prendre de médicaments cette fois, on verra bien
comment ça se passe. Mon corps devrait s'être habitué
la moindre ! Laurie nous a toutefois annoncé que le capitaine
va tout faire pour éviter un ouragan passant pas loin. ça
promet ! Les organisateurs ne peuvent se permettre d'arriver trop
en retard à Ushuaia, car après nous, une nouvelle
fournée va reprendre la mer.
Tout s'est remis à bouger et j'ai à nouveau pu observer
les gens traverser les couloirs en marchant de biais.
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