Antarctique
Neko Harbour - Almirante Brown
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Paradise Harbour, mardi 20 février 2001
M'étant réveillé vers 4h30 ce matin, j'ai
regardé par le hublot de ma cabine. Le soleil commençait
à se lever. J'étais décidé à
sortir pour prendre quelques photos, mais la fatigue et le froid,
qu'il semblait faire, ont eu raison de mon enthousiasme. Finalement,
je me suis levé à 6h45. Le petit-déjeuner englouti,
je me suis précipité sur le pont principal, pour admirer
la beauté somptueuse de notre arrivée à Neko
Harbour.
Naviguant à travers les icebergs, le bateau semblait sûr
de sa route. Ce lever de soleil, ce ciel bleu, ce froid extrême
dû au vent, ont été pour moi, des instants d'une
plénitude impartageable. Comment pourrais-je un jour décrire
la beauté de ces eaux noires, parsemées d'icebergs
aux couleurs glaciales et aux formes divines ? J'étais pratiquement
seul sur le pont, savourant ces instants privilégiés
avec quelques manchots joueurs pointant leur bec hors de l'eau.
J'arrive en Antarctique, sur le continent. Auparavant, nous ne
nous étions arrêté que sur des îles proches
de la péninsule. Ce continent mystérieux, aussi grand
que les Etats-Unis est aussi peu peuplé que le petit bled
d'où je viens. Bon an mal an, il doit y avoir quelque 2'000
à 3'000 habitants permanents. Bien évidemment, lorsque
vient l'hiver polaire, la population (à 100% des résidents
de stations scientifiques internationales), se réduit considérablement.
L'intérêt d'expériences scientifiques décroît
fortement. Surtout que le froid et la nuit polaire mettent à
rude épreuve, tant les scientifiques que leurs instruments
de mesure. Le moindre accident est d'ailleurs bien souvent synonyme
de catastrophe. Par -50°C voire -60°C, tout gèle
instantanément. Certains scientifiques, pour passer le temps,
font des concours loufoques. Ils lancent de l'eau bouillante en
l'air et c'est à celui qui aura réussi la plus belle
figure de glace (l'eau gelant instantanément). Il est vrai
qu'après quelques semaines confinés dans des baraquements
exigus, la paranoïa doit gentiment faire surface !
Mais revenons à Paradise Harbour.
Des glaciers, il y en a partout, nous entourant, nous menaçant
de leur puissance tranquille. Le débarquement en zodiac,
devenu une habitude, a été d'une grande émotion.
Non-loin, des parois, des séracs menaçants, emplissaient
l'endroit d'une majesté que le soleil est venu faire briller
de mille feu après quelques minutes. L'endroit était
calme, tranquille, encore sauvage, malgré quelques marques
visibles laissées par de précédents visiteurs.
Ce superbe glacier venant mourir dans cette eau noire et salée,
laissait de temps en temps, échapper quelques menaces. Des
grincements et des détonations peu rassurantes, nous rappelaient
l'éphémère de ce spectacle sans cesse renouvelé.
Une fois ou l'autre, une paroi s'est détachée, provoquant
un mini raz-de-marée sur la plage de notre arrivée.
Les manchots se sont mis à crier et à courir dans
tous les sens.
Une montagne de glace surplombait le lieu de notre atterrissage.
Je me suis mis à monter et monter avec mes bottes en caoutchouc,
étonnamment appropriées à la situation.
La vue était éblouissante. J'ai à nouveau
réalisé le privilège que j'ai d'être
sur cette terre et de vivre de tels instants.
Une excursion en zodiac dans la baie nous a permis d'admirer de
près des icebergs aux couleurs inouïes. Soudain, notre
skipper Pablo s'est mis à crier : "Whales !!!".
Superbes et majestueuses, des baleines Minke ont fendu ce miroir
magique, faisant entrevoir leurs ailerons et une partie de leur
corps. Quelle beauté !
Le tour en zodiac nous a dévoilé des vues imprenables
sur des glaces révélant l'hostilité des lieux.
Au détour d'un iceberg, des teintes polynésiennes
faisaient croire à des eaux coralliennes. J'ai presque eu
envie de plonger.
L'après-midi, le Mariya Yermolova a mit le cap sur Paradise
Harbour. Les zodiacs mis à l'eau, nous nous sommes approchés
de falaises de glace monumentales. Les risques, bien que théoriquement
calculés par les responsables de l'expédition, sont
pourtant bien réels. Un pan entier de falaise peut se détacher
à tout moment et créer un véritable raz-de-marée.
Tomber à l'eau, signifie peu de chances de survie. L'eau
doit être à des températures proches, voire
en dessous de zéro. Bien sûr, les zodiacs ne se baladaient
jamais seuls et tous les membres de l'expédition étaient
en contact permanent par radio avec le bateau. On est bien loin
des conditions d'Amundsen ou de Scott au début du siècle
! Heureusement d'ailleurs !
Par endroits, ces glaciers immaculés dessinaient des grottes
aux contours surréalistes. Notre slalom entre les icebergs
nous a réservé quelques rencontres avec des phoques
(crab-eater), se dorant au soleil. Ils avaient l'air doux et peu
belliqueux, mais ce n'était qu'une façade.
A la fin de notre tour en zodiac, nous avons atterri sur la base
argentine désaffectée de l'"Almirante Brown".
Chaque pays essaie de revendiquer un bout d'Antarctique. Un traité
international, signé et ratifié par quelques 40 pays
les plus importants (en population et superficie) du globe, veut
laisser ce continent vierge de toutes revendications territoriales.
Il est vrai que ses ressources minières sont l'objet de convoitises
! Personne n'a toutefois le droit de faire des recherches militaires
sur le continents, ni de recherches géologiques secrètes.
Bien sûr, c'est ce qu'on nous dit...
Cette base d'Almirante Brown a en fait été fermée
suite à un incendie intentionnel perpétré par
un scientifique de la base. Le gouvernement argentin ayant jugé
bon de contraindre un médecin de la base à rester
6 mois supplémentaires, à provoqué le désastre.
Le médecin, n'en pouvant plus des conditions imposées
par la vie Antarctique, a préféré bouter le
feu à la base, que de rempiler pour 6 mois supplémentaires
Sur ce coin de terre, une grimpette assez raide nous a permis d'atteindre
un petit pic surplombant la baie. Nous sommes redescendus en glissant,
assis sur nos gilet de sauvetage ! Cool !
Ce jour là, un couple a même décidé
de s'unir pour la vie sur ce petit morceau d'Antarctique. Nous avons
donc eu droit au Champagne (car c'était notre première
visite du 7ème continent) et au gâteau des mariés.
Après un barbecue nous a été offert sur le
pont, ceci, bien sûr, dans un froid polaire. Fallait le faire.
Le temps était radieux, mais quel froid pour un barbecue
! Avec Chris on a préféré rentrer et manger
à l'intérieur. Il n'a pourtant pas l'air frileux,
il devait vraiment faire froid ! J'ai bu un peu de Champagne, mais
comme d'habitude, je ne le supporte pas. J'ai tout de suite eu la
tête qui s'est mise à tourner. Chris semble avoir plus
ou moins le même problème que moi. On s'est bien marrés
!
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